Deux entrées pour le Trésor de la Langue Française. Dictionnaire de la langue du 19e et du 20e siècle (1789–1960), par Thomas Linard

La première entrée, bābī,–īe, était destinée à la version informatisée et corrigée du TLF. Les priorités ayant changé, l’article ne sera finalement pas publié. La deuxième, bahā’ī, –īe, est destinée à l’Addenda pour le TLF de l’an 2000. Lors de sa publication dans l’Addenda, la partie dérivée, bahā’isme, fera l’objet d’une simple remarque, sans rubrique étymologique et historique. Elle est publiée ici dans son intégralité.


BĀBĪ, –ĪE, subst.

Adepte d’un mouvement messianique en Iran et en Iraq au 19e siècle, fondé par Sayyid ‘Alī Muḥammad Shīrāzī, le Bāb (1819–1850) :

Enfin, l’ouest et le nord, les provinces les plus riches et les plus productives de la Perse, sont travaillées par une secte plus politique que religieuse, les Bâbis, véritables communistes par les doctrines, comme par les moyens, et dont le roi a d’autant plus peur qu’il y a quatre ans, ils ont essayé contre lui d’un guet-apens où il a été blessé et d’où il n’a échappé que par miracle.

Gobineau, Correspondance [avec Tocqueville], 1855, p. 238.

Emploi adj. Qui est propre aux bābīs ou au bābisme (infra dér.). Missionnaire, dogme bābī. Chefs, ouvrages, docteurs bābīs. Le Bâb semble établir pour la société bâbye un gouvernement à la fois monarchique, théocratique et démocratique (Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l’Asie centrale, Paris, Didier & Cie, 1865, p. 335).

Prononc. et Orth. : [babi]. bābī. Fém. bābīe. Plur. des bābīs (graph. sav.). Étymolo. et Hist. Empr. à l’ar. bābī, adepte du Bāb.
Att. à l’empl. subst. en 1849 Les Babis ([Ernest Cloquet ?], Perse ds Revue de l’Orient 5, 2e série, Paris, p. 264), en 1864 Bâbys (J. Gaulmier, Charles de Rémusat et Arthur de Gobineau ds Travaux de linguistique et de littérature 2:2, Strasbourg, 1964, p. 67–113 [Lettre de Gobineau à Rémusat du 23 mai 1864, p. 94]), puis en 1913 Bābī (Clément Huart, Bābī ds L’Encyclopédie de l’Islam, [première éd.], Paris, A. Picard, t. 1, p. 558–559 : Bābī, nom donné aux sectateurs du Bāb, qui s’appellent plus volontiers entre eux ahl-i bayān). Att. à l’empl. adj. en 1864 (le Diwân bâby, Gobineau, Lettres de Gobineau à Jules Mohl et à Madame Mohl, éditées par Jean Boissel, Revue de Littérature Comparée, Paris, 1966, p. 337–361 [Lettre de Gobineau à J. Mohl du 1er mai 1864, p. 350]). Var. dér. babyste att. en 1867 (1866, Lar. 19e ).

Dér.  : Bābisme, subst. masc. Religion, doctrine, secte des bābīs. – [babism]. – 1re attest. 1865 bâbysme (Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l’Asie centrale, Paris, Didier & Cie, 1865, p. 141–358 & 461–543) ; de bābī, suff.isme*.


BAHĀ’Ī, –ĪE, BÉHAI –STE, subst.

Adepte de la religion fondée par Mīrzā Ḥusayn ‘Alī Nūrī, Bahā’Allāh (1817–1892), qui commença comme un développement du bābisme et qui est devenue une communauté religieuse internationale. En 1920 seulement j’ai appris à connaître à Karlsruhe la religion supraconfessionnelle et mondiale des Bahaïs (…) Je suis devenu Bahaï (A. Forel, Le testament d’Auguste Forel, Lausanne, éd. de la Libre Pensée Internat., 1931, p. 13)

Emploi adj. Qui est propre aux bahā’īs ou au bahā’isme (infra dér.). Religion, secte, foi bahā’īe :

M. Remy de Gourmont a découvert une religion nouvelle. Il nous en a fait part en ces termes dans ses notes quotidiennes de La France :

(…) [Le Béhaïsme] est le nom d’une religion nouvelle qui a quelques fidèles à Paris et dont le chef, un beau vieillard persan, est en ce moment parmi nous. (…) Elle me fut enseignée hier par le Maître, en un langage riche de fleurs orientales, que M. D. transplantait dans le parterre français avec une aisance qui m’émerveillait presque autant que le Béhaïsme lui-même. Le patriarche éloquent nous disait les joies primitives que l’on éprouve dans la cité Béhaïste (…).

R. de Bury, Béhaïsme ou Bahaïsme (La France, 21 octobre, et Le Temps, 3 novembre), ds Mercure de France 94, Paris, 16 nov. 1911, p. 403–406.

Prononc. et Orth. : [bahai]. bahā’ī. Fém. bahā’īe. Plur. des bahā’īs (graph. sav.). Étymolo. et Hist. Empr. à l’ar. bahā’ī, adepte de Bahā’ (Allāh), dér., avec i comparable au suff. fr. –ite*.
Att. à l’empl. subst. 1892 les Behaïstes (J. Réville, Edward Browne. A traveller’s Narrative written to illustrate the episode of the Bâb [Compte-rendu], Revue de l’Histoire des Religions 25, Paris, p. 262–263), puis les plur. Béhaïs en 1896 (J. Balteau, Le Babysme. Lecture faite par M. J. Balteau, Membre titulaire, à la Séance du 22 mai 1896, ds Ac. Nat. de Reims. Travaux 99, Reims, 1897, p. 195–222 [p. 213]), behā’īs en 1913 (Cl. Huart, Bābī ds L’Encyclopédie de l’Islam, [première éd.], Paris, A. Picard, 1913, t. 1, p. 558–559 : La scission entre Subh-i Azal et Bahā’Allāh divisa les Bābīs en deux sectes, les azalīs et les behā’īs) et bahā’ī en 1927 (T. W. Haig, shānī ds L’Encyclopédie de l’Islam, [première éd.], Paris, A. Picard, t. 2). Att. à l’empl. adj. en 1903 (la croyance Béhahie, A.-L.-M. Nicolas, À propos de deux manuscrits Bâbis de la Bibliothèque Nationale ds Revue de l’Histoire des Religions 47, Paris, p. 58–73 [p. 66]), cf. aussi la var. dér. béhaïste att. en 1910 (L. Bouvat, Persans et Américains ds Revue du Monde Musulman 11, Paris, p. 115–116 : les doctrines béhaïstes).

Dér.  : bahā’isme, subst. masc. Religion, doctrine, secte de Bahā’Allāh. Selon son historien H. Dreyfus, le béhaïsme n’est pas une religion nouvelle, mais bien la religion renouvelée (Guillaume Apollinaire, Le Béhaïsme ds Mercure de France 123, Paris, 16 octobre 1917, p. 767–768). V. aussi supra ex. de R. de Bury. – [bahaism]. – 1re attest. 1900 Béhaïsme (H. Arakélian, Le Bâbisme en Perse. Mémoire présenté au Congrès International de l’Histoire des Religions dans la séance du 5 septembre 1900 ds Revue de l’Histoire des Religions 43, Paris, 1901, p. 333–344) ; de bahā’ī, suff. –isme*.